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Titel
Links und bündig. WOZ – Die Wochenzeitung. Eine alternative Mediengeschichte


Autor(en)
Howald, Stefan
Erschienen
Zürich 2018: Rotbuch Verlag
von
Pierre Evéquoz

C’est à l’hebdomadaire alémanique WOZ Die Wochenzeitung que Stefan Howald – journaliste et rédacteur au sein du journal depuis 2010 – consacre son dernier ouvrage. Divisé chronologiquement en six volets, son étude historique retrace les étapes parcourues par la WOZ, organe critique de contre-information qui tire à 15–16’000 exemplaires, depuis sa création en 1981 jusqu’à l’année 2017, proposant un panorama balayant toute la vie du journal. La WOZ y est présentée en articulation avec les évolutions sociales et médiatiques ayant touché la Suisse depuis 1981, des «Jugendunruhen» à Zurich à la fameuse votation fédérale du 9 février 2013 en passant par la remise en cause de l’image enchantée de la Suisse dans le cadre du 700e anniversaire de la Confédération.

La perspective empruntée est double. D’une part, par une analyse de contenu ciblée, Howald met en lumière certains des points forts traités par le journal à différentes époques. D’autre part, et cet aspect constitue l’un des apports les plus intéressants, il reconstruit l’histoire économique et les principes d’organisation de la WOZ, ainsi que les débats internes, parfois houleux, agitant la coopérative «infolink» – éditrice du journal et qui regroupe les membres de la rédaction et de l’administration. Il offre ainsi un regard, qu’on aimerait parfois plus perçant, sur les conditions sociales de production du journal. La mise en relation de ces deux points de vue permet de suivre en parallèle l’évolution du concept journalistique porté par le collectif et l’impact de cette évolution sur le contenu, le ton et la mise en page de la WOZ. Le contenu, politiquement marqué à gauche sans être dogmatique ni homogène, et le mode d’organisation et de financement, guidé par un souci de démocratie interne et d’indépendance face au marché, constituent précisément les caractéristiques atypiques de la WOZ, lui conférant sa place singulière au sein du champ médiatique suisse – aujourd’hui plus encore qu’en 1981. Conséquences de ces traits: une instabilité financière chronique, du moins jusqu’en 2005, qu’illustrent les campagnes de soutien périodiques dont le succès témoigne de la solidité de sa base arrière, ainsi qu’un flou interne caractérisant les différents niveaux de compétences et de décision que Howald restitue par l’étude méticuleuse des sources internes, complétées par une trentaine d’entretiens menés. C’est d’ailleurs pour répondre à une urgence financière qu’est fondée en 1984 l’association de soutien «ProWoZ», regroupant rapidement 400 personnes (954 en 2016) et dont le but est de garantir l’indépendance rédactionnelle et économique du journal tout en s’interdisant toute prise d’influence sur le contenu. Signe de son importance, ProWoZ finance un fonds de recherche dès 1985, donnant à la WOZ les moyens de mener des enquêtes fouillées qui fondent du reste sa réputation.

Issue de la matrice des revues alternatives fondées au cours des «années 68», la WOZ est structurée selon des principes d’autogestion et d’autonomie, dont la politique du salaire égal pour tous et toutes et l’absence d’un·e rédacteur·trice en chef sont parmi les manifestations les plus visibles. À travers le parcours diachronique, le/la lecteur·trice perçoit les contraintes liées à ces principes directeurs qui s’expriment par des remises en cause périodiques du fonctionnement, à l’instar de la question récurrente d’une professionnalisation de la direction. Par ailleurs, l’auteur montre les effets des luttes de pouvoir, dont les lignes d’opposition suivent parfois les différences de génération ou de genre, sur la forme du journal: ainsi lors de la grande crise traversée en 2003–2005 – accompagnée pour la première fois de licenciements, brisant ainsi un tabou, et de l’institution d’une direction rédactionnelle – qui voit s’affronter deux conceptions en vue de la cure d’amaigrissement que doit subir la publication. Ces luttes se manifestent également sur le plan du contenu et Howald décrit comment l’économie interne du journal – où la politique suisse surtout, mais aussi l’étranger et la culture tiennent le haut du pavé – est le résultat de négociations internes, mais aussi externes, comme en témoignent les liens parfois étroits entretenus avec divers mouvements en quête de visibilité médiatique et qui dessinent un tissu de relations plus ou moins dense aux contours mouvants.

Si le livre s’adresse à un large public intéressé, il laisse sur sa faim celles et ceux qui voudraient en savoir davantage, par exemple, sur la fonction sociale assumée par un tel média, les propriétés sociales des coopérateurs·trices ou la position occupée par la WOZ au sein du champ médiatique suisse. De fait, l’auteur renonce à l’utilisation des apports théoriques de la sociologie des médias – appareil critique excepté, aucune bibliographie n’est mentionnée – et ne parvient pas toujours à éviter l’écueil d’une approche par trop descriptive. Reste que Links und bündig constitue un ouvrage passionnant, richement illustré, au style élégant et dont les apports pour l’histoire de la presse suisse sont loin d’être négligeables. Plus important peut-être, en documentant l’histoire de la WOZ de manière dépassionnée malgré une certaine proximité affective, Howald laisse entrevoir que des alternatives au mode de fonctionnement dominant du champ médiatique peuvent sous certaines conditions se révéler pérennes et atteindre un public relativement important – en témoignent en 2018 les 16’000 abonné·e·s.

Zitierweise:
Pierre Evéquoz: Stefan Howald : Links und bündig. WOZ Die Wochenzeitung. Eine alternative Mediengeschichte, Zurich: Rotpunktverlag, 2018. Zuerst erschienen in: Schweizerische Zeitschrift für Geschichte Vol. 69 Nr. 2, 2019, S. 359-361.

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Zuerst veröffentlicht in

Schweizerische Zeitschrift für Geschichte Vol. 69 Nr. 2, 2019, S. 359-361.

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